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Prologue

--> Tic-Tac

 

Prologue.

[Tic-Tac]

 

 

Parfois, quand on est ici, on voudrait regarder par la fenêtre, rien qu’un instant.

Porter son regard sur un autre paysage… Un paysage qui serait différent.

Parfois, on voudrait se dire que pour les autres, il existe un ailleurs. Pour les heureux élus… On voudrait se dire que tout là-bas, la rivière coule encore et qu’à l’approche de l’été, les enfants pataugent joyeusement…

On voudrait croire aux rires cristallins, au vent qui monte de la mer, et frappe de ses senteurs salées, âcres et douces les falaises qui se jettent au-dessus de l’or bleu… On voudrait croire aux rayons du soleil, qui gavent les fleurs de leur lumière, et les rendent plus belles, plus épanouies, plus fortes !

On voudrait croire que les montagnes s’élancent toujours, grandes et superbes, projetant sur la vallée leur ombre noble…

 

Mais rien. Il n’y a rien.

 

Ces journées que je passe ici, entre quatre murs trop clos, ce cahier, ces mêmes visages laiteux… Rien ne change ; C’est toujours la même routine. C’est toujours le même horaire, cette répétition abrutissante de « tic tac », à m’en rendre sourde.

 

       A six heures, la sonnerie qui me vrille les oreilles. Je me réveille toujours les mains autour du cou, le sang battant dans les tempes. Personne pour me dire « Désolé, cette fois encore,  il s’en est fallu d’une minute. » Non, même pas.

       A sept heures, un bout de pain, une barquette de confiture à la couleur incertaine, un chocolat tiède. On n’a plus de lait, ici, alors on a noyé le tout à l’eau.

       A huit heures, on nous réunit pour tenter de faire entrer le savoir dans nos cervelles. Rien, encore une fois. Nous n’enregistrons plus rien, sinon ce « nous » qui se répète à l’infini. Ici, on nous apprend à oublier le « je »… Et si ce soir, à la lueur de ma lampe de poche, je couche sur le papier ces quelques mots, c’est justement pour qu’il ne meure pas.

       A douze heures, le repas. La file toute droite que nous formons semble se perdre dans l’immensité du lieu. Les assiettes tendues, les portions de nourriture… Tout un rituel secret dont l’unique but est de nous maintenir en vie.

En vie ! Comme s’ils persistaient à croire que cette masse informe qui marche du même pas est en vie ! J’en rirais presque, si je me souvenais comment on fait.

       A treize heures, le troisième appel de la journée. Parfois des absentes, qui le restent alors. Dans ce cas là, une des filles murmure machinalement « Paix à elle », et toutes les autres reprennent, en une étrange procession. Rien de plus. Comme si le néant avait happé avec les mortes leur souvenir…On les oublie vite.

       Quatorze heures, encore des cours. De l’encre. Du papier. Des rêves étouffés dans l’œuf… sur la table, les traces des ongles qui s’enfoncent dans le bois, à défaut de percer la chair, pour libérer le cri salvateur.

       Dix-huit heures, un nouveau repas. On se bat becs et ongles pour une tranche de pain supplémentaire. La jungle, vous dis-je… La jungle et rien de plus. Les filles de dernière année réquisitionnent toujours ce qu’elles appellent mon dessert. Ca m’est égal, je le leur cède, sans protester. Marche profil bas, et tais-toi.

       Vingt heures, les douches. J’aurais souvent aimé qu’elles dégagent du gaz, plutôt que leur eau poussiéreuse.

Quelqu’un a percé un trou dans la cloison de la cabine numéro trois… Quand j’y colle mon œil, il me semble apercevoir la lumière du dehors… Mais comment savoir ?

       Vingt et une heures, étude. Toujours entre quatre murs. Il fait trop chaud, et pourtant je frissonne. Les visages sont tous concentrés sur leurs livres, et pourtant les yeux ne bougent pas. On a oublié d’activer les automates, transparents d’immobilité.

Vingt-deux heures, cauchemars. Monstres. Cris. Mains autour de la gorge. Réveil en nage. Tic tac. Tic tac. A demain.

 

J’ai peur, une peur qui me bouffe le ventre, sans raison particulière, mais qui est pourtant bien là, à m’oppresser… Tic tac. Tic Tac. Tic Tac.

 

Tic

 

Je m’appelle Luce, j’ai quinze ans, et je ne verrai plus jamais ma lumière.

 

Ecrit par Encagee, le Mardi 1 Juin 2004, 17:28 dans la rubrique "Derrière les barreaux".

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Commentaires

PierreDesiles

26-10-04 à 10:47

La description est tellement bien faite qu'on ne peut échapper au contexte. On a envie de se rapprocher de Luce à la cause "perdue" pour lui redonner espoir...

Bravo Chloé pour cette fiction bien écrite.

Bsx ;o)


Re:

Encagee

03-11-04 à 21:21

Ben euh.. merci :D


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