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[Histoire à suivre]

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Chapitre 1

--> Dessine-moi un espoir

 

 

Chapitre 1.

[Dessine-moi un espoir]

 

 

Les couloirs… identiques. Semblables. Pareils.

Un jour, j’ai essayé de les dénombrer… Peine perdue, l’infini ne se mesure pas.

Les numéros des salles qui défilent. Et puis la bonne.

On pousse la porte, et c’est tout un univers qui se construit. Des milliards et des milliards d’atomes qui s’assemblent pour former ce monde-là.

A cet instant précis, comment savoir si l’extérieur existe encore ? Comment se persuader qu’autre chose subsiste, derrière cet assemblage de béton ? Le problème est le même dans toute l’école, à une échelle plus importante : En s’enfermant dans ces bâtiments gris, sans jamais apercevoir la lumière du dehors, comment être sûr qu’il y a réellement un dehors ?

Tant pis pour les questions existentielles, du moins pour maintenant. J’ai cinq minutes de retard… Cinq minutes de folie en moins, cinq minutes de paix en plus… C’est la huitième fois cette semaine, mais ça m’est égal. J’entre.

-Excusez-moi d’être en retard.

Je ne reconnais même plus cette voix neutre, plate, sans caractère qui est la mienne. Pas un mot de trop, pas d’intonation, pas de vie. Le prof a un geste vague de la main…

-Ca ira pour cette fois.

Oui. Tout comme ça a été pour les précédentes, tout comme ça ira pour les suivantes. Et ça passera, encore et toujours…

Je détaille son visage… Banalité impressionnante. Cette tête du « Monsieur tout le monde » que l’on oublie sitôt après l’avoir croisée. Des lunettes épaisses, sur un nez épaté… Cheveux grisonnants et gras, autrefois noirs. Un teint cireux, un peu rougeaud.

Les filles le surnomment très élégamment « Gégé le Clodo ». Lui s’en tient simplement à son nom et à son attribution, Monsieur Gévignard, professeur d’histoire-géographie au Pensionnat des Narcisses… C’est gai comme un nom de maison de retraite.

Du bout de son index, il repousse ses lunettes sur ses petits yeux de rat. Du majeur, il suit sur la liste les noms des élèves. L’appel. Immuable…

Les noms défilent, familiers, bien que je ne sache toujours pas sur quels visages les placer.

-Nomad, Luce !

J’ai aimé mon nom. Au début, j’y ai vu comme une destinée toute tracée. Luce, la lumière ; Nomad, le voyageur. Ca m’a sauvée quelque temps… Pas de chance, maintenant, ça ne marche plus.

-Ici.

Même plus de regard las, pour vérifier que personne ne pointe à ma place. Oui, je suis présente sans être là, et il s’en fout délibérément.

Moi aussi, d’ailleurs.

Il finit l’appel, presque satisfait d’avoir rempli son devoir. Si seulement ça pouvait le sauver !

Il fronce les sourcils. Ce n’est pas que j’ai pensé trop fort, pourtant. Il déclare :

-Une nouvelle élève dans la classe. Deschamps, Mathilde. Qui est-ce ?

Nous n’avions pas plus que lui remarqué l’arrivée d’une nouvelle tête parmi nous. Elle lève distraitement la main ; elle est assise à côté de moi. Il la jauge du regard, acquiesce, avant de commencer  son cours de sa voix grasse.

Elle griffonne distraitement sur son agenda. Je m’approche d’elle, afin de lire. Il paraît que la curiosité est un vilain défaut, mais ça ne fait plus vraiment partie des choses que l’on m’apprend ici. Elle se retourne et me sourit :

-Hello !

Je me recule, presque effrayée. Comment peut-elle sourire dans un lieu comme celui-là ? Regarde cette lumière électrique, bon sang ! Regarde, Mathilde, jusqu’à ce que ça te bouffe les yeux, s’il le faut ! Crois-tu vraiment avoir choisi le bon endroit pour me sourire ? N’importe où ailleurs, je te l’aurais rendu ce joli sourire, n’importe où ailleurs, là où il fait encore vie…

Mais pas ici, Mathilde, pas ici.

Elle pousse vers moi ce qu’elle a écrit. A lui seul, le titre me retourne l’estomac.

 

L’Albatros.

 

Sous son regard encourageant, je poursuis ma lecture… Quelque chose d’inhabituel me tiraille au fond de l’estomac. Peut-être est-ce tout simplement le fait de porter mon regard sur quelque chose d’encore pur, comme s’il me semblait que l’homme ne l’avait pas encore touché… J’ai vu un albatros, autrefois, avec mes parents. C’était en haut d’une falaise. Il y avait beaucoup de vent, Maman me tirait par la capuche de mon ciré pour m’empêcher de tomber. Et puis Papa a montré le ciel en s’écriant : « Luce, regarde ! »…

Mes yeux écarquillés ont lentement suivi l’oiseau qui planait dans le ciel et, sans raison, une larme a roulé sur ma joue.

 

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage

Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,

Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

Le navire glissant sur les gouffres amers.

 

Maman a tout d’abord cru que c’était la pluie qui faisait ça… Et puis tout un torrent s’est mis à couler de mes yeux. J’avais déjà compris que jamais je ne volerai, moi. J’avais compris que jamais je ne pourrai porter sur le monde ce regard vaporeux qui transforme les terres en carrés colorés, en patchwork de poussière irréel…

Partir. Je voudrais simplement partir ailleurs. Loin de cette salle de classe crasseuse, loin de ces visages amers…

 

A peine les ont-ils déposés sur les planches,

Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,

Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches

Comme des avirons traîner à côté d’eux.

 

J’avais compris qu’il y aurait toujours un imbécile qui viendrait, pour tenter de me briser les ailes, de me faire m’écraser, pour que les landes ne deviennent plus que du charbon sous mon corps meurtri. Maman s’en est aperçue. Elle m’a sourit, a pris ma main puis a murmuré : « Tu n’es pas quelqu’un qui se laisse écraser. Quand il ne te restera plus rien, tu auras le droit de savoir qu’il te reste toujours l’espoir. »

Et m’envoler. M’envoler à nouveau. Loin. Loin d’ici. Les quitter, leur montrer que l’on peut toujours se relever. Cracher sur leurs figures insupportables.

 

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !

Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !

L’un agace son bec avec un brûle-gueule,

L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

 

Mais Maman est partie. Maman n’est plus là pour me dire d’espérer, Papa ne désigne plus les albatros dans le ciel. Et pourtant, il me reste encore un peu de force, pour croire que je peux tout changer, si j’ose lever le poing… Un peu de force, encore, pour croire que la passivité sera la première chose à combattre. Mais si peu...

Et puis se faire capturer à nouveau, s’emprisonner ; S’engluer les ailes.

 

Le Poëte est semblable au prince des nuées

Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;

Exilé sur le sol au milieu des huées,

Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

 

Charles Baudelaire.

 

            Charles Baudelaire… Tel est donc le nom de ce sorcier, celui-là qui a réveillé en moi tous ses souvenirs qui font mal au ventre. Quand j’étais encore à l’école de mon village, c’était un nom parmi tant d’autres, un « truc de vieux »…

Je relève les yeux. Elle me sourit encore, ça m’en fait presque mal. Sait-elle seulement ce qu’elle a remué au fond de moi ? Rien que pour cela, je voudrais la tuer sur place, sur le champ.

Je veux OUBLIER. OUBLIER. Ne plus penser. Pourquoi m’y oblige-t-elle ? Luce, malsaine de cadavre et d’esprit, c’est ainsi que l’on me nommera désormais !

-C’est beau, hein ? C’est mon poème préféré.

Je réponds sans la regarder :

-Poète, ça s’écrit pas comme ça.

Je la hais, avec son sourire, son espoir, sa bonne humeur. Je la hais avec ses mots si justes. Je la hais…

Elle se contente de hausser les épaules.

-C’est vrai que Baudelaire, c’est spécial, faut aimer.

-Eh ben j’aime pas.

Elle lève les paumes des mains, comme pour m’apaiser. Elle capitule de sa voix douce :

-Ok, ok…

Ca y est, j’ai gagné. J’ai détruit le rêve. Bingo. De son côté, pendant que je jubile, elle reprend son agenda, pas plus énervée. C’est fou, on dirait que tout lui glisse dessus, comme si les attaques extérieures lui étaient égales. J’aimerais bien posséder le même bouclier autour de moi, afin de me préserver de tout ce qu’il y a de nocif ici.

Je me tourne vers mon cahier, et commence à prendre des notes… J’ai déjà accumulé énormément de retard. Tant pis.

-La Révolution Française, donc…

Oh, vaste programme. C’est incroyable comme un événement aussi trépidant peut devenir ennuyeux à mourir dans la bouche de quelqu’un qui a oublié de vivre...

Tout autour de moi, les stylos grattent le papier, dans un même mouvement précipité. On dirait que c’est le bonheur qu’ils cherchent à rattraper, en se dépêchant, tout frémissants de concentration, d’inscrire des mots sans âme sur les lignes violettes…Ils n’ont rien compris.

Tout ce que je sais de cette plénitude tant recherchée, c’est qu’il ne faut pas chercher à l’attraper, aussi étrange que cela puisse paraître, il faut la laisser venir… Doucement. C’est elle qui choisira le bon moment.

Alors en attendant, moi aussi, j’écris. Au fond de moi, il y a toujours ce sentiment de manque, l’image de Maman, de Papa… Et tous ces instants qui reviennent en moi, agressifs de précision, comme des films en couleur qui repasseraient à l’infini. J’ai un cinéma dans la tête…

-Nomad !

Je sursaute. C’est rare d’entendre un professeur hausser le ton ici. Je lève les yeux vers lui et lâche d’une voix froide :

-Oui ?

-Quelle est votre pensée à la vue de ce que nous venons d’étudier ?

Ma pensée ? Oh, Dieu qu’elle est simple ma pensée ! Apprenez-nous plutôt à vivre.

-Nomad ?

-Je voudrais être Charlotte Corday.

Il fronce les sourcils. Quoi ? Qu’est-ce que j’ai encore dit ?

-Nomad…

Il tente de maîtriser sa voix. La crise de nerfs est pour bientôt, il est de plus en plus rouge. On dirait qu’il va exploser…

-Daigneriez-vous m’expliquer votre raisonnement ?

-Mon… Raisonnement ?

La haine m’envahit. Je ne supporte plus ces visages, agressifs de familiarité, jour après jour, semaine après semaine… Siècle après siècle. Je ne supporte plus la voix de Maman qui me répète à l’infini que je peux lutter, qu’il suffit simplement de se faire entendre !

-Oh, mais il est bien simple, mon raisonnement. Ce lycée pue la mort, le glauque et les fantômes. Ce lycée empeste par la faute de tous les morts-vivants qui le hantent, qui se traînent dans ses couloirs…

Un ricanement éclate au fond de la classe.

-Regardez-moi ça ! Luce croit encore aux monstres !

Je me tourne vers la figure bouffie d’hilarité de celui qui vient de parler.

-Difficile de ne pas y croire, en vérité. Il suffit de voir ton visage, ou celui de n’importe qui d’autre dans cette classe pour penser comme moi !

Les mots qui s’échappent de mes lèvres ne sont là que pour blesser, pour faire du mal… A tout prix. L’albatros s’est relevé, il frappe les têtes des marins de ses longues ailes. Gévignard est de plus en plus rouge.

-Nomad, dehors !

Une veine bleutée palpite sur sa tempe. Je ne bouge pas et garde mes yeux fixés sur lui ; j’ai décidé que je ne me tairai pas, aussi je rétorque :

-Ne prenez pas vos volontés pour celles des autres. C’est vous, en vérité, qui voudriez sortir d’ici, n’est-ce pas ? C’est vous qui aimeriez vous échapper… Nous échapper. Seulement, voilà, où iriez-vous ? Vous êtes encore plus paumé que nous, ça fait peine à voir.

Il se lève, sa chaise tombe par terre dans un grand fracas. La veine palpite de plus en plus vite.

-SILENCE !

Il tape du poing sur la table et répète encore encore une fois : « SILENCE ! ».

Je me lève à mon tour et, mes deux mains posées à plat sur mon cahier, je réplique :

-Je ne m’abaisserai pas à recevoir des ordres de la part de quelqu’un comme vous !

C’est un défi oculaire qui se joue maintenant. Les yeux dans les yeux, nous nous toisons. Le silence s’est établi dans la classe… Il ne reste plus que nous deux, les autres font office de toile de fond, comme au théâtre. Nous sommes deux belligérants qui venons de nous matérialiser dans cette salle crasseuse.

Ses yeux gris semblent chercher une faille dans mon regard d’azur. Mais ils n’en trouveront pas, puisqu’il n’y en a aucune. Je le bouffe des yeux, avec une délectation haineuse.

C’est toute ma fureur qui se trouve concentrée là, en un tourbillon de colère froide. Je sais ce qu’il voit en moi, puisque j’ai choisi de le lui montrer. Qu’il regarde encore, jusqu’à ce que je le happe tout entier !

C’est incroyable comme il est jouissif de prendre le dessus dans ce genre de situation, d’écraser l’autre en une attaque lente et perfide. Le venin de mon regard se répand doucement en lui… J’espère que ça fait mal.

Enfin, ses larmes coulent, j’ai gagné.

Une dernière fois, il implore d’une voix d’enfant geignard :

-S’il vous plaît, Luce, sortez…

Mais avant même que je ne lui ai répondu, il a déjà passé la porte. Les autres me dévisageant, avec une expression d’admiration mêlée de peur. Je siffle d’un air mauvais :

-Allez crever.

Et je sors à mon tour, avec une démarche nonchalante et dédaigneuse de félin. Un chat-albatros. C’est original.

 

Pas d’hésitation sur où aller… Je me dirige vers les toilettes, entre dans une cabine et éclate en sanglots. Les murs sont bariolés d’appels au secours, de tâches de sang… A la chaîne de la chasse d’eau, il subsiste un lambeau de corde coupée. Une prochaine fois, camarade, tu y parviendras certainement…

Il faut que je pleure. J’ai quelque chose à sortir de moi. Je ne sais pas de quoi il s’agit, mais il faut absolument que je pleure… Immédiatement.

Je l’ai fait, Maman, j’ai osé hurler, j’ai osé leur dire. Ils ont compris que je ne suis pas de ceux qui se laissent écraser, que je suis forte et que je vivrai… Mais pourquoi ça me fait si mal ? Pourquoi j’ai l’impression d’avoir été torturée ?

J’explose en sanglots silencieux, ivre de douleur. Les larmes qui coulent de mes yeux roulent sur mes joues et brûlent ma peau.

La porte s’ouvre en grinçant et une tête apparaît dans l’entrebâillement. Un visage fin, entouré d’une longue crinière acajou bouclée ; Un nez en trompette soutenant une paire de lunettes ; deux yeux vert foncé : Mathilde Deschamps.

-Ca va ?

Je n’ai rien sous la main qui puisse la blesser si je le lui jetais à la figure. Ca vaut largement mieux pour elle. Qui est-elle pour oser, dès le premier jour, venir me provoquer dans mes instants de faiblesse ? Elle a pourtant bien vu ce que j’ai fait à Gévignard ! C’est elle qui m’y a poussé, et elle ne le sait même pas ! N’importe qui d’autre s’en serait tiré avec une blessure simplement physique. Mais voilà, seulement, c’est elle.

Je saute sur mes jambes et crache, sur la défensive :

-Qu’est-ce que tu me veux ? Dégage !

Elle tripote ses doigts, comme si elle ne savait pas quoi en faire.

-Je voulais savoir si tu allais bien.

La haine monte à nouveau en moi, brisant successivement les différents barrages qui m’aident en temps normal à rester calme.

-Si j’allais bien ? T’as pas trouvé plus bidon comme excuse ? Pourquoi tu me colles aux basques ? T’as rien compris ou quoi ?

Je m’appuie au mur, et me laisse lentement glisser pour m’asseoir par terre. Les larmes me montent à nouveau aux yeux. Je renifle. Est-ce que les albatros savent pleurer ?

Je tente une dernière fois de la faire partir d’ici :

-Je te…

J’ai mal, comme si on m’avait enfoncé un couteau dans le ventre. Etrangement, je sens que le fait de la blesser ne m’aidera pas à me sentir mieux... J’abandonne.

-Je… Tant pis. Qu’est-ce que tu fais ici, Mathilde ? Pourquoi t’es là ?

Elle regarde ses chaussures et pousse du bout du pied un caillou imaginaire. Elle sent la vie. C’est incroyable comme elle sent la vie.

-Après la Catastrophe, ma grand-mère m’a élevée… Et puis elle a fini par mourir de vieillesse, et on m’a fait venir là. Rien de plus banal…

Je secoue la tête en soupirant. Les ongles de ma main droite s’enfoncent dans mon bras gauche. Une tâche de sang macule déjà mon bras. Je ne sais pas ce qu’elle fait là, je l’ai déjà oublié. Et pourtant, à regarder Mathilde, j’ai envie de me souvenir…

-T’aurais jamais du venir ici, c’est la jungle. Tu vas souffrir, tu vas devenir une boule de haine, comme moi… Va t’en, pendant que c’est encore possible. Tu as sûrement de la famille quelque part, non ?

Elle sourit un peu, et vient s’asseoir à côté de moi. Elle resserre ses jambes contre son corps. Sa silhouette est plus arrondie que la mienne, et ça me fait mal de penser que d’ici deux mois, elle n’aura plus que la peau sur les os. Même ses lèvres pleines s’affineront, pour lâcher les injures plus facilement.

-J’ai une grande sœur… Elle est blonde, comme toi, avec les mêmes grands yeux bleus…

Je ferme les yeux et me tape doucement la tête contre le mur, comme pour me bercer et m’apaiser. Elle a quelqu’un en qui croire… Elle a le droit d’espérer. Elle peut rêver qu’un jour, une surveillante viendra pendant une heure de classe. Elle demandera : « Mathilde Deschamps ? Pouvez-vous me suivre ? » Mathilde ira, et une heure plus tard, sa valise sera bouclée. Elle posera un baiser sur mon front et me jurera de revenir me chercher…

Peut-être même qu’elle le fera.

C’est d’une voix plus douce que j’interroge :

-Mais pourquoi t’es pas restée avec elle ? T’aurais jamais du venir ici… T’es pas assez solide, ça se voit.

Elle hausse les épaules et, le regard dans le vide, rétorque nonchalamment :

-C’est la loi après tout, non ? J’ai pu vivre heureuse huit ans, alors que j’aurais du être ici, avec les autres enfants des victimes de la Catastrophe.

Je me relève et étire mon dos fragile. Tirant sur les commissures de mes lèvres, je parviens à esquisser un sourire. J’avais oublié à quel point c’était douloureux…

-Tu as pu vivre heureuse huit ans, oui…

Nous sortons des toilettes et nos pas feutrés raisonnent dans le couloir. J’ose à peine la regarder. Toute la haine qui était en moi s’en est allée. Je sens toute cette vie qui palpite à côté de moi, tout cet espoir, et cette fougue étrangement douce. Comment peut-on contenir autant de force sous une apparence si calme, si…pacifique ? C’est peut-être ça, la vie, après tout…

-Je peux te demander un service, Mathilde ?

Elle hoche la tête. Elle ne sourit pas et pourtant ça me fait aussi chaud au cœur. Elle a pris le dessus sur ma bestialité imbécile mais paradoxalement, je ne lui en veux pas. Je ne me sens pas vaincue…L’air qui entre dans mes poumons est frais.

-Vas-y…

Oui, c’est elle. C’est à elle qu’il faut le demander. Il faut que je le dise… Ce sera maintenant, ou ce sera jamais.

-Puisque t’as encore un peu d’espoir en toi… Est-ce que tu voudrais m’apprendre… A vivre ?

Ecrit par Encagee, le Mardi 1 Juin 2004, 17:24 dans la rubrique "Derrière les barreaux".

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Commentaires

De passage dans ton profil officiel,..

.O.

30-08-04 à 19:12

..j'ai atterri ici, endroit intéressant. Une poignée de chapitres à lire encore, et combien d'alter ego?


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